Les maquettes en carton de l’artiste genevois Matthieu Grillet
Ce sont de petites maquettes en carton recyclé : îlots d’immeubles, pâtés de maisons, blocs de bâtiments industriels… Accrochées aux murs sur des supports de métal rouillés, ces structures architecturales semblent flotter, comme suspendues dans un espace-temps indéfinissable. Les maquettes de Matthieu Grillet, « croquis 3d imaginaires » comme il aime à les appeler, sont le fruit de ses flâneries urbaines. Un travail de restitution, non pas documentaire, mais poétique, sur les zones urbaines vouées à disparaître.
Maquettes en carton recyclé
Ces représentations à échelle réduite de structures urbaines pourraient faire penser aux maquettes des architectes ou à celles des amateurs de modélisme. Pourtant, à y regarder de plus près, ces assemblages en carton n’ont rien de l’aspect précis et ultra détaillé des modèles réduits qu’on peut acheter dans le commerce. Rien non plus de la démarche minutieuse de ces patientes constructions faites d’allumettes qui restituent fidèlement tel ouvrage construit ou monument célèbre.
Non. Les maquettes de Matthieu Grillet offrent, au contraire, un aspect brut et imprécis : les arêtes des cubes des immeubles débordent légèrement ; les contours des fenêtres des immeubles, taillées au cutter, manquent de finition… C’est que le matériau utilisé, du carton recyclé, interdit toute précision dans le rendu du détail. Favorise, même, l’effritement de certaines structures. Et c’est à force de chercher un format adapté au carton que les maquettes de Matthieu acquièrent leur style unique… la démarche n’est pas sans évoquer le mouvement de l’Arte Povera.
Zones urbaines vouées à disparaître
Si Mathieu Grillet ne cherche pas à reproduire fidèlement le réel, ses maquettes ne sont pourtant pas des fantaisies. Elles sont le fruit de ses flâneries urbaines : dans son atelier, Matthieu reconstitue d’imagination les lieux de prédilection de ses balades citadines.
Zones vides, no man’s land, terrains vagues, lieux en friche ou à l’abandon, squats en ville… On est alors dans les années 90s à Genève. Matthieu ne fabrique pas encore ses maquettes, mais il aime se promener, passer du temps dans ce genre d’endroits. Des flâneries qu’il réitérera ailleurs plus tard, dans d’autres quartiers, dans d’autres villes : Brooklyn (NYC), Manchester… Des lieux en marge des villes qui sont alors investis par toute une frange de la population : artisans, petits ouvriers manuels, réparateurs en tous genres, ferrailleurs, ferblantiers, sculpteurs, artistes, SDF… Des espaces de vie propices aux rencontres, aux échanges humains et aux savoir-faire artisanaux. Pourtant ces endroits chargés de poésie sont voués à disparaître : tôt ou tard, ils finissent, en effet, par être l’objet de la spéculation immobilière. Alors, ces zones de l’entre-deux, Matthieu les recompose dans son atelier pour restituer l’atmosphère du lieu.
Démarche poétique d’un flâneur urbain
Rien de romantique pourtant à se faire le témoin attentif de ces lieux. Rien de nostalgique non plus à ces méditations poétiques urbaines : en effet Matthieu Grillet ne se retourne pas sur le passé. Au contraire, il anticipe une disparition à venir. Le travail de Matthieu est bien plutôt une célébration de ces quartiers encore vivants. Conscience de l’inéluctabilité de la disparition de ces lieux voués à disparaître. Conscience du temps qui passe trop vite. Memento mori qui incite au Carpe Diem : puisque nous allons mourir, dépêchons-nous de vivre et, surtout, de vivre bien ! Dans ces lieux où il fait encore bon d’aller flâner. Plus pour très longtemps, hélas !
Les maquettes de Matthieu Grillet nous renvoient à nos choix de vie citadins. À ces villes qui se transforment trop vite. À ces modes de vie qui disparaissent. À Notre goût pour la richesse et le pouvoir qui mènent à des dérives éthiques et à un oubli des choses essentielles. Comme dans le genre pictural de la Vanité où le crâne humain symbolise la mort, les supports des maquettes, que Matthieu récupère sur les lieux de ses flâneries, sont elles aussi rongées par le temps et l’humidité.
Vous aimez le travail de Matthieu Grillet ? Vous voulez le soutenir en lui achetant une oeuvre ? Pour tout renseignement ou commande d’oeuvre, merci d’écrire à la galerie. À bientôt.
Cet article vous a plu ? Partagez-le sur les réseaux sociaux 😀
Merci pour ce bel article! L’oeuvre est belle et actuelle, touchante aussi, tel un souvenir qui s’effrite.
Merci beaucoup!
Bravo pour cette idée de faire visiter des ateliers d’artistes, lieu secret!
J’attends avec impatience le prochain numéro.
Petite question au sujet des maquettes-œuvres, quelle est la taille (environ)?.
Francis Bouvet
Merci ! Ah oui ! j’ai oublié d’indiquer la dimension des maquettes en légende… eh bien, ça dépend des maquettes… les supports en métal font environ 20-40 cm sur 20-40 cm et la maquette en carton, qui est plus petite, une dizaine de cm, entre 10 et 20 cm…
Le “prochain numéro” est en cours de rédaction, c’est un travail de linogravure… je n’en dis pas plus .-) Si vous vous inscrivez à la newsletter auprès de Mercure – cf formulaire ci-dessous en bas de page – il vous enverra un mail d’information à chaque nouvel article publié.
Charlotte
Galerie volante: ravie de découvrir ce concept et curieuse de connaître la suite…Merci pour cette très belle présentation et la visite de l’atelier de l’artiste! J’aime beaucoup votre interview plein de détails, de sensations, de poésie mais aussi d’une certaine vision du monde et d’opinions qui interpellent…
Merci beaucoup de votre retour ! 😀